On connaît la chanson

C’est à Françoise Hardy et à sa jolie faute que je pense

Évidemment, Françoise Hardy aura longtemps regretté cette jolie faute dans sa chanson C’est à l’amour auquel je pense. Elle ne voulait apparemment plus qu’on lui en parle, ni continuer à la chanter. Pourtant, 62 ans après sa sortie, ce titre phare de la génération yéyé fait toujours partie des incontournables de la chanson française.
Il arrive souvent qu’on se permette en musique des libertés linguistiques pour une question de rythmique. C’est en effet pour cette raison que la chanteuse n’a jamais corrigé son erreur. Cependant, tout en étant à cheval sur le respect des règles de la langue française, on lui pardonne à jamais cet écart. Mais de quelle erreur s’agit-il et pourquoi sa tournure est-elle grammaticalement incorrecte ?

Lorsque sa bouche à mon oreille vient murmurer
Mille mots tendres, mille merveilles, mille secrets
C'est à l'amour auquel je pense
Et que j'espère et que j'attends

Lorsque ses lèvres sur les miennes viennent se poser
Et qu'il me tient entre ses bras très fort serrée
C'est à l'amour auquel je pense
Et que j'espère et que j'attends
L'amour que j'appelle en silence à cet instant

Un jour il vous jure "je t'aime"
Mais déjà le lendemain
Il n'est plus le même
Je ne suis plus rien

Lorsque ses yeux au fond des miens viennent plonger
Et que mes cheveux par sa main sont caressés
C'est à l'amour auquel je pense
Et que j'espère et que j'attends
L'amour que j'appelle en silence à cet instant

Un jour il vous jure "je t'aime"
Mais déjà le lendemain
Il n'est plus le même
Je ne suis plus rien

Et lorsque pour une autre fille, un beau matin
Il m'a quittée
, laissée seule avec mon chagrin
C'est à l'amour auquel je songe
Je me demande à ce moment
S'il n'existe que dans les songes
Ou bien vraiment


Album : Tous les garçons et les filles, 1962
Paroliers : Françoise Madeleine Hardy / Roger Gustave Samyn
© Editions Musicales Alpha

Judicieux équilibre entre jolie faute…

Auquel = Pronom relatif et interrogatif qui correspond à la contraction du pronom relatif lequel précédé de la préposition à.

  • Il sert à reprendre un nom (un antécédent) qui a déjà été employé dans la phrase.
  • Il s’accorde avec son antécédent dans la phrase.

Exemples :

 Elle adore le concert auquel ses amis l’ont invitée.
 Quelle est cette fête à laquelle tu te rends ?
 Les élections auxquelles il participe auront lieu dans quelques jours.
 L’amour auquel je pense est impossible.

Avec les personnes, on préférera l’emploi de qui ou de que :

 Voici la femme à laquelle à qui j’ai parlé tout à l’heure.

Or, la phrase « C’est à l’amour auquel je pense » est incorrecte. Pourquoi ?

  • l’amour est déjà précédé de la préposition à, là où le pronom relatif auquel est censé l’évoquer à sa place.
    En conservant la structure de la phrase, on devrait avoir : « C’est à l’amour que je pense« .
  • De plus, il s’agit d’une phrase simple qui nécessiterait un complément comme on peut le voir dans les exemples cités ci-dessus.

…et jolie tournure

En revanche, la simplicité de ce texte emprunt de la jeunesse de Françoise Hardy à l’époque, met en lumière une jolie figure de style : l’anastrophe.

Anastrophe = Figure de style qui consiste en une inversion de l’ordre habituel des mots dans la phrase.

  • La construction basique Sujet + Verbe + Complément est alors inversée pour placer le verbe en fin de phrase = S + C + V.
  • Elle permet de créer un élégant effet de langue propre à la poésie et à la chanson comme ici. Sans compter qu’elle favorise bien entendu les rimes.
  • On l’emploie à l’oral plus qu’à l’écrit.

J’ai tout d’abord connu les chansons de Françoise Hardy par ma mère qui les écoutait adolescente dans les années 1960. Trente ans plus tard, ma génération continue à les écouter sur les ondes, bien souvent sur Nostalgie. En ce qui me concerne, plusieurs d’entre elles font toujours partie de mes listes de lecture. J’ai beau être férue de chansons à texte et de paroles engagées, ses airs mélancoliques et son côté fleur bleue ne cesseront jamais de me plaire.

C’EST À FRANÇOISE HARDY ET À SA JOLIE FAUTE QUE JE PENSE

Photos : © Claude Azoulay / tumblr.com

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